Jean-Baptiste François Jehannin de Chamblanc (1722-1797), notable et lettré dijonnais, est le dernier représentant d’une lignée d’avocats et de parlementaires bourguignons. Après vingt années passées comme conseiller au Parlement de Bourgogne, où il était entré à 19 ans après des études d’abord au collège jésuite des Godrans puis à la Faculté de droit de la ville, il consacra sa vie à la création et au développement de multiples collections installées dans les deux galeries qu’il fit ajouter à l’hôtel particulier familial. Saisies à la Révolution, Jehannin de Chamblanc étant considéré à tort comme émigré, celles-ci ont constitué un apport inestimable pour les musées et bibliothèques de la ville.
Parmi toutes ses collections de tableaux, de bronzes, d’émaux, d’estampes, d’instruments de physique, de minéraux, les livres, près de 20 000 volumes, lui tenaient le plus à cœur. Ils nous sont parfaitement connus grâce à l’inventaire soigneusement effectué par les personnes chargées de la confiscation de ses biens (Bibliothèque municipale de Dijon, cote ms 2480) qui nous permet de découvrir une bibliothèque dont la structure est atypique pour un membre de la noblesse de robe de ce temps : très peu de livres professionnels de droit, un nombre limité d’ouvrages religieux, surtout des livres anciens ou présentant de riches reliures, des ouvrages précieux, recherchés par les bibliophiles comme le Roman de Tristan, manuscrit du 15e siècle orné de miniatures ou Lancelot du Lac, incunable de 1494 orné de grandes xylographies. Homme du siècle des Lumières, attiré par les sciences physiques et naturelles, Jehannin de Chamblanc avait une bibliothèque particulièrement fournie dans ces domaines. Ainsi de nombreux livres de chimie et de physique, en particulier sur l’électricité et le magnétisme, lui permettaient de réaliser des expériences dans ses laboratoires équipés des matériels les plus performants. Botaniste réputé, il recevait de toute l’Europe des ouvrages particulièrement somptueux, dessinés par les meilleurs illustrateurs de l’époque et mis manuellement en couleurs. Les pays lointains n’étaient pas oubliés soit à travers les travaux de religieux, qui cumulaient prêches de conversion et études scientifiques, soit à travers des ouvrages locaux, par exemple un rarissime manuscrit chinois de botanique enrichi de nombreuses illustrations. Jehannin de Chamblanc s’était constitué également une vaste collection d’estampes, d’environ 25 000 pièces, éditées dans tous les pays européens. Pour aider à leur identification, il pouvait également s’appuyer sur les ressources de sa bibliothèque, qui renfermait catalogues d’éditeurs et de graveurs, listes des principales ventes en France de cabinets réputés, recueils consacrés aux reproductions des principales galeries de peinture européennes. Abonné à une dizaine de journaux français ou étrangers chaque année, le collectionneur était ainsi constamment informé des nouvelles parutions tant en livres qu’en gravures.
En visant à la constitution d’une bibliothèque mettant à sa disposition tous les savoirs humains alors disponibles, Jeannin de Chamblanc souhaitait-il mettre en pratique cette pensée de Louis Petit de Bachaumont, Essai sur la peinture, la sculpture et l’architecture (2e éd. rev. augm. Paris, 1752) : « J’ai voulu prouver dans cet écrit qu’avec quelques dispositions naturelles, aidées d’une bonne éducation, on pouvait acquérir bien des lumières, surtout en s’appliquant, en réfléchissant, en comparant » ? Nous serions tentée de le croire…
Conférence donnée par Annie Chaux Haïk en prélude à l’assemblée générale des Amis de la Bibliothèque municipale de Dijon, 25 avril 2016
